Le moulin est situé sur une dérivation de l’Erve en contrebas de la cité médiévale. Rappelons ici que de nombreux moulins étaient installés sur la rivière à cet endroit. En témoigne la carte de Cassini de 1765 où on repère moulins et papeteries se succédant en chapelet sur l’Erve sans que nous puissions clairement les identifier tant ils sont nombreux. La rivière peut faire tourner ces usines grâce à son dénivelé important.
Dans son dictionnaire publié en 1777, Le Paige précise que « la rivière d’Erve, qui passe au-dessous de la ville, fait tourner six moulins à blé, sept à papier, un à foulon et trois à tan ».
« La tannerie, bâtiment en T, est installée sur une île entre
le cours de la rivière d'Erve et le long bief qui débute au moulin de la Roche. Deux déversoirs ont été installés juste en amont de la tannerie, l'un au nord vers la rivière, l'autre, au sud, passe sous une arche du corps de bâtiment. La roue servait au broyage du tan, tandis que les autres opérations de tannerie, lavage, séchage étaient également abritées sous le même bâtiment. La maçonnerie est en moellon de grès, tandis que les encadrements de baie sont en pierre de taille pour le logis et en moellon et en brique pour la tannerie" (cf. inventaire du patrimoine d'Erve et Charnie, 2007, par MM. Davy et Foisneau des services régional et départemental du Patrimoine).
"Le Gohard est, selon le Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne (1900-1910) de l’abbé Angot, « un lieu disparu en Sainte-Suzanne » (il ne l’est plus aujourd’hui !) : moulin à papier et fief, près du village de la Rivière. Le fief dépendait de la segrairie (= bois possédé par indivis) de Charnie. Guillemette
Douesse, veuve de Patry de Montgiroul, l’avait chargé d’une rente envers la Confrérie du Saint-Sacrement en 1408. L’abbé Angot nous dit qu’on fabrique en 1736 au moulin du Gohard « le papier extresse, pardevant et pot-fin ». Il existe alors le Gohard-Inférieur, scierie, tannerie et moulin à tan et le Gohard-Supérieur, dont il dit que c’est alors un moulin « en chômage ».
En 1745, l’industrie de la carte à jouer existe dans 115 villes de France, les ateliers sont réduits d’autorité à 63 en 1751, dont Sainte-Suzanne. Cette industrie fait vivre 220 maîtres cartiers et un millier d’ouvriers et apprentis ou servantes en France. En 1771, les 7 moulins à papier de Ste-Suzanne fabriquaient annuellement 3 000 rames de papier soit 1 500 000 feuilles, et notamment le pot-fin,
le pot moyen et le pot pâte-bulle servant à fabriquer les cartes à jouer.
Plusieurs fois transformé, le moulin à papier du Gohard,
alias du Petit-Gohard ou encore de la Rivière, est exploité par le célèbre papetier-cartier François Provost au milieu du XVIIIe siècle (1762) ; Il est affermé en 1774 pour 400 écus par le comte de Sainte-Suzanne (Antoine-César de Choiseul-Praslin, famille héritière de la lignée de Guillaume Fouquet de la Varenne). On trouvera en fait à la Rivière de nombreux Provost : François René (1790-1800), Urbain (1793), Pierre, Jean (1724-1756), Julien, Joseph, Fidèle-Anne (1806), François-Pierre ou encore Joseph Provost-Dubois (1776-1810). Les héritiers Provost-Dubois étaient en faillite en mars 1835 (cf. affiche dans les Collections du Musée de l’Auditoire). L’abbé Gérault indique alors : « Il est à craindre que la seule papeterie fonctionnant encore à la Rivière ne se soutienne pas longtemps ». Les 7 moulins à papier existent toujours avant 1836. Cette activité papetière s’éteindra à Sainte-Suzanne vers 1840, où l’abbé Gérault nous dit qu’il n’en restait plus qu’un, sans doute faute d’avoir su se moderniser et s’adapter aux nouvelles techniques de fabrication du papier à partir du bois. Le moulin du Petit-Gohard est toujours considéré sur les matrices
cadastrales de 1842. L’historien de la Mayenne Viel-Desprès signale la conversion du moulin en grange et bûcher en 1871, tandis que Léopold Picher fait entièrement reconstruire le moulin pour en faire une tannerie l'année suivante (1872). Il fait également agrandir cette année-là la maison qui avait dû être
bâtie à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle. Edmond Picher ajoute une laverie à la tannerie en 1874. La remise-écurie a été construite quant à elle à la toute fin du XIXe ou au début du XXe siècle.
Ce nom représente la forme ancienne de godard, ancien nom de baptême d'origine germanique issu de god/Gott qui signifie Dieu et hard qui signifie dur, fort.
On trouve en Allemagne, dans la vallée du Rhin tout près du rocher de la Lorelei, une petite ville nommée St.-Goar. On trouve en France l’orthographe Gohard, Gohart, Godard ou Godart. Mais l’hypothèse d’un nom de lieu dédié à Sainte-Suzanne au saint Gohard apparaît plausible, tout comme la chapelle du château fut dédiée à sainte
Suzanne et ultérieurement celle de la Croix-couverte à saint Eutrope.
Gohard, seigneur de Blain, était l’évêque de Nantes au IXe siècle. Ce fut sous son épiscopat qu'eut lieu un fait d'armes important entre Francs et Bretons: la bataille de Blain le 24 mai 843, qui se traduisit par la victoire des Rennais sur les Nantais. L’évêque connut des ennemis plus terribles venus des pays scandinaves et qui déjà avaient ravagé le nord de la France : les Normands. Ceux-ci se présentèrent devant la ville de Nantes, un mois après la défaite de Blain. Le jour de la fête de saint
Jean Baptiste, le 24 juin 843, Gohard célébrait la messe dans la cathédrale Saint-Pierre de Nantes, devant une nombreuse assistance de fidèles, quand les Normands firent irruption dans l'église, tuèrent l'évêque et massacrèrent ses ouailles. Deux versions sur sa mort :
Selon la première, alors qu’il célébrait les saints mystères avec son peuple dans la cathédrale et qu’il chantait “Élevons notre cœur”, il fut transpercé de flèches par les Normands impies et succomba avec un grand nombre de ses fidèles.
La deuxième version fait penser à une possible confusion avec le martyre de Saint-Jean-Baptiste, le Saint qu’on fêtait ce jour-là : la légende raconte que décapité, l'évêque reprit sa tête, et marcha jusque vers la Loire où un bateau l'emmena en remontant le fleuve jusqu’à Angers, sa ville natale, un bateau sans voiles et sans rames….
Sa dépouille fut inhumée à la collégiale Saint-Pierre de la ville dont il était originaire. La crypte romane de la cathédrale de Nantes lui est dédiée : elle a été réaménagée peu après sa canonisation pour accueillir ses
reliques ramenées d'Angers. Une chapelle latérale lui est également dédiée dans la même cathédrale.
Dix ans après, les Normands remontèrent de nouveau la Loire, et cette fois incendièrent la ville. Pendant plus de cent ans, retranchés dans quelques îles du fleuve, ils ne cessèrent de dévaster le pays. Ils étaient un fléau si
redoutable que l'Église de Nantes avait ajouté dans les litanies : « de la fureur des Normands, délivrez-nous, Seigneur ». Ce ne fut qu'en 939 qu'Alain Barbe-Torte les chassa définitivement du pays et ramena la paix dans les villes et les campagnes.
Gohard est canonisé en 1096. Or Hubert II de Beaumont, seigneur de Sainte-Suzanne, qui avait résisté à Guillaume le Conquérant (1024-1087), est mort en 1095 ; c'est son fils Raoul VII (né vers 1070) qui devient Vicomte du Maine. Raoul est très pieux ; il rencontre Alleaume, disciple de Robert d’Arbrissel, qui fonde le prieuré de Saint-Nicolas
entre Viviers et Blandouet. Son nom est, comme Gohard, d'origine germanique (Adalhem), de adal, noble, et de helm, heaume, casque. La même année, le 10 février 1096, le pape Urbain II (1042-1099) est à Angers pour y consacrer l’église Saint-Nicolas. Cette année est contemporaine de saint Alleaume, mais aussi de plusieurs croisades, de Pierre l’Ermite (1053-1115) ou encore de Godefroy de Bouillon (1058-1100). Compte tenu du contexte à la fois religieux et historique de cette fin
de XIe siècle (le siège de Sainte-Suzanne n'a eu lieu que 10 ans auparavant), et de l'histoire de la famille de Beaumont, il est plausible de penser que la
canonisation de Gohard ait pu être symboliquement relayée à Sainte-Suzanne, via un lieu ou une chapelle dédiés, par les Beaumont, dont les aïeux avaient
combattu les normands, et qui avaient donc de bonnes raisons de vénérer saint Gohard. La fondation principale de Raoul VII de Beaumont , en 1109, fut celle de l'abbaye d'Étival-en-Charnie, en faveur de saint Alleaume pour
les religieuses qu'il dirigeait et qu'il voulut confier à d'autres mains avant de mourir. Le vicomte de Beaumont appela sa sœur Godeheult ou Godehilde, fille d'Hubert II de Beaumont et d'Ermengarde de Nevers (et l'arrière arrière petite-fille d'Hugues Capet) qui se trouvait auparavant à l’abbaye du Ronceray à Angers) à la tête du couvent. Elle fut la première abbesse d'Étival.
Cette abbaye fonctionna 681 ans, jusqu'en 1790...
Vers 1112, Raoul VII partit lui-même pour Jérusalem, en rapporta plusieurs reliquaires, un entre autres contenant une portion de la Vraie Croix que lui remit, pour l'église de Saint-Julien, un clerc du Mans, alors chanoine du Saint-Sépulcre. L'évêque Hildebert reçut ce présent le mardi de pâques 1116 . Raoul meurt vers 1118. »
18 août 1834, Me Ollivier, vente par adjudication
des immeubles de la succession de M. Pierre Vallée à M. Vieil Després.
Un moulin à papier nommé le Gohard composé
Un premier corps de bâtiment…..
Un deuxième corps de bâtiment comprenant le moulin proprement dit qui se compose
de six piles et vingt neuf maillets :
d’un côté la chambre de cuve ; de l’autre, la salle dans laquelle est le
four ; étendoir sur le tout.
8 Juillet 1871, Me Dômier, vente MM Ravault
es Couléard Jullietrie à MM Picher
L’ancien moulin à papier du Gohard situé au village du même nom composé ainsi qu’il suit :
Un premier corps de bâtiment….
Un deuxième corps de bâtiment comprenant l’usine ou le moulin proprement dit en ruines, la chambre de cuve, et la salle dans laquelle est le four, étendoir ou grenier sur le tout ; avec tout ce qui se trouve à l’intérieur du moulin à l’exception néanmoins des deux piles en pierres qui demeurent réservées et ne font point partie de la vente.
24 mars 1874 Me Dômier, partage d’immeubles entre
MM Picher frères
Un lot comprenant la maison d’habitation et l’usine de tannerie et corroierie du Grand Moulin.
Un lot qui se compose de la Maison du Gohard ou de le Rivière
.. ……………..nue propriété du moulin à tan du Gohard
situé sur la rivière d’Erve en face de la maison comprise au second lot, avec la grange qui tient à ce moulin ; du petit jardin qui se trouve à l’est et du terrain qui se trouve à l’ouest sur les bords de la rivière et de toutes les dépendances du moulin.
28 avril 1878 Me Niepceron, vente par
adjudication MM Roulin à M Picher
17 juillet 1895 Me Niepceron vente par licitation
Le moulin à tan du Gohard situé sur la rivière d’Erve en face de la maison du Gohard ou de la Rivière avec la grange qui tient à ce moulin, le petit jardin qui se trouve à l’est et le terrain qui se trouve à l’ouest sur le bord de la rivière avec
toutes les dépendances du moulin.
M Edmond Picher a fait de ses deniers personnels les innovations et constructions ci après détaillées à savoir :
1° un hachoir
2° un plancher sur la grange et un plancher sur les plains
3° un ban de scies et trois cuves à cylindre
4° une machine pour affuter les scies circulaires
5° un bâtiment attenant au moulin du côté de l’ouest
donnant sur la rivière avec grenier dessus, servant pour le travail de la
rivière avec tout l’outillage qui y est installé
6° la pompe attenant au dit bâtiment, et mue par le moulin
7° le prolongement du moulin à la suite de la grange du côté à l’ouest
8° le mur de refend entre la grange et l’appartement servant de plain
Il a en outre fait remplacer l’ancien cylindre pour broyer l’écorce
21 décembre 1897 Me Picher à MM Martin
…………………… Constructions dont la
désignation suit :
A l’ouest de la cour un bâtiment servant de travail de rivière ; grenier au-dessus.
Un hangar sur piliers couvert en papier goudronné à la suite de ce bâtiment, le dit hangar, servant de remisage aux écorces.
Au fond de la cour et en côté du hangar un grand bâtiment nommé la Sèche servant au rez de chaussée pour les cuves de tannerie, et aux deux étages de séchoir pour les cuirs.
Les immeubles sous ces deux numéros sont entourés de murs sauf le devant de la cour.
Ils se tiennent et joignent : par devant au Nord le chemin de Château Gaillard au Gohard, à l’est un jardin de
madame Melot et un autre jardin ; au sud un chemin partant de la Croix Couverte et aboutissant à l’Aubépin et à l’Ouest monsieur Picher vendeur.
L’usine servant de tannerie et de moulin à tan, composée de plusieurs corps de bâtiment avec abri pour pompe ; le tout
formant un ensemble situé en face de la maison du numéro premièrement est cadastré sous le numéro 272 de la section D.
Une portion de jardin à l’est de la dite usine et la joignant cadastrée sous le numéro 271° section D et séparée du jardin restant appartenir à Monsieur Picher par un mur nouvellement construit qui sera mitoyen entre le vendeur el les acquéreurs.
Ces usine et jardin situés sur la rivière l’Erve se tiennent et se joignent au sud sur le chemin de Château Gaillard et à l’est le jardin restant à Monsieur Picher.
…….
Les roues hydrauliques des deux moulins, les machines et les dormants, virants, travaillants, les courroies de
transmission, la pompe hydraulique, les cuves, et fosses et en un mot tout le matériel brut de la tannerie …..
21 août 1929
Me Gauvin vente par MM Martin à MM Chauveau
……… Un groupe de divers bâtiments sis en face de la maison d’habitation ci-dessus, de
l’autre côté du chemin, servant autrefois de tannerie et de moulin à tan, actuellement sans affectation et dans lesquels se trouve une chute d’eau. Et un jardin de chaque côté de ces bâtiments…………………….. Le tout est cadastré section D, numéros 272 271p et 273 pour une contenance de six ares vingt-trois centiares.
11 septembre 1941
Me Coudray vente par MM Chauveau- Lecomte aux consorts Lair Dubreuil
…. A proximité de la maison et de l’autre côté du sentier, autre bâtiment construit en pierres et couvert en ardoises, comprenant :
Au rez de chaussée : grand hall dans lequel se trouvent les appareils de distribution et de filtrage de l’eau qui sont également immeubles par destination et qui font partie de la présente vente.
Vaste grenier sur le tout.
Petits jardins à l’est et à l’ouest de ce bâtiment et chute d’eau.
Le tout figurant au cadastre section D numéro 272 pour une superficie de deux ares quarante deux centiares
Numéro 271p pour une superficie de un are huit centiares
Et numéro 273 pour une superficie de deux ares soixante treize centiares.